CosmoCat a écrit : ↑19 août 2017, 19:45
Bon, je ne sais pas si je dois donner un avis, qui sera purement médico-chirurgical, mais que je vais essayer d'édulcorer, étant bien conscient qu'il est parfois juste impossible de faire prendre un traitement à un chat, quand bien même celui-ci aurait un caractère plutôt "cool"...
Et la médecine c'est souvent "tu traites"...
Moi j'ai souvenir du premier des principes médicaux, "primum non nocere" ("en premier lieu, ne pas nuire" pour ceux qui n'ont pas fait latin (veinards!, c'était vraiment chiant... même si par la suite, ça m'a bien rendu des services pour la nomenclature des bactéries et virus, des plantes, et des médicaments)), et d'un principe peut-être moins général et qui ressemble sans doute plus à un conseil, issu d'un vieux prof de médecine interne, mais qui me sert au quotidien: ne traite pas, si tu ne sais pas ce que tu traites... ça paraît "con", mais ça ne l'est pas tant que ça...
Pour ta chatoune, Leonor, comment est sa bouche? Ton véto parle de stomatite ou de gingivite?... de GSCF (gingivo-stomatite chronique féline)?
La question n'est pas saugrenue, l'étiologie n'est pas nécessairement la même et donc... le traitement non plus...
La gingivite est "moins grave" que la stomatite, en ce sens qu'un détartrage associé le plus souvent à une gingivectomie +/- parage des poches parodontales peut suffire dans un premier temps... pourvu que le deuxième temps soit respecté (j'y viens après).
La stomatite est une atteinte plus générale de la cavité buccale, et pas seulement des gencives. On a en particulier une atteinte des piliers caudaux de l'oropharynx, avec différents stades d'atteinte inflammatoire, allant de la simple rougeur à l'évolution type grappe de framboise saignant spontanément à l'ouverture de la cavité buccale (c'est ça la GSCF). Dans ce cas, bien évidemment, oui il faut détartrer... Mais c'est bien souvent insuffisant. Là aussi le deuxième temps doit être respecté... (promis j'y viens)...
Le problème de ces pathologies chez le chat vient d'une inadéquation de réponse de l'immunité du chat à la présence d'une flore buccale qui sécrète des substances antigéniques plus ou moins agressives, mais qui devraient être prises en charge plus "sweetly" par les défenses immunitaires de l'animal.
En gros, on a un décalage entre l'agression et la réponse à l'agression.
Le point le plus important et l'ennemi juré dans tous les cas (de la gingivite au GSCF) est LA PLAQUE DENTAIRE, et l'ensemble des virus/bactéries qui la composent. Je ne parle même pas forcément du tartre qui n'est autre que de la plaque dentaire calcifiée, je parle bel et bien de la plaque dentaire qui se redépose quasi immédiatement après chaque brossage de dents chez nous, humains. A titre d'exemple, ne vous lavez pas les dents 36h à 48h... Vous sentez le dépôt sur vos dents? Ben chez les chats c'est pareil. Vous en voulez la preuve? Pour ceux qui ont des chats ou des chiens cool, enroulez une compresse autour de votre index et frottez doucement sur les molaires une fois la babine remontée, et regardez ce qui s'y est déposé après juste un aller-retour...
Alors un détartrage, ok, c'est la base... On nettoie, on assainit... C'est un des points absolument nécessaire. Mais quid si on ne retire pas la plaque dentaire qui se redépose inlassablement sur les dents, quoique l'on fasse?
Jerzy Gawor, un des formateurs de l'European School for Advanced Veterinary Studies, a coutume de comparer ainsi les choses:
quand vous avez une voiture en panne, vous ne l'emmenez pas juste au car-wash le plus proche... C'est un peu fort, mais suffisamment imagé pour se dire qu'effectivement, nettoyer ne suffit pas, il faut réfléchir aux solutions les plus pérennes, le nettoyage étant un pré-requis...
D'où le deuxième temps généralement proposé par les vétos qui font de la dentisterie: nettoyer les dents! (hyper simple vous allez me dire! je sais, ... heyyy, je vous ai prévenu dès l'intro, c'est un topo médico-chirurgical ! Et vous savez comme moi qu'avec les toubibs, c'est "yaka!")... C'est là tout le problème pour les animaux qui n'ont pas eu l'habitude d'être manipulé de la sorte étant chaton, ou qui tout simplement ne veulent pas se laisser manipuler de la sorte... Et c'est ce qui risque d'être le cas pour toi, Leonor...
On peut bien sûr essayer d'agir sur les autres paramètres du déclenchement de l'inflammation trop importante dans la bouche du chat:
1) on baisse un peu son seuil d'immunité, pour que rien ne s'emballe, par exemple... Injection de corticoïdes retard (la fameuse piqûre blanche), qui bien souvent doit être faite de plus en plus rapproché dans le temps parce que le chat s'y habitue, et sans compter les effets secondaires potentiels comme le diabète sucré (pour n'en citer qu'un) / ou alors on essaie d'autres immuno-suppresseurs comme l'atopica ou un de ses génériques; bon courage, les chats détestent le goût... Et un des effets secondaires est de provoquer de l'hyperplasie gingivale... Ah ah, c'est trop fort, déjà que c'est inflammé, si on les fait gonfler en plus, punaise!
2) on baisse la charge de substance responsable de la réaction: détartrage (mais vous comprenez bien que ce n'est que temporaire) et/ou antibiothérapie. Mais alors attention, les antibiotiques n'agissent pas sur TOUS les germes, d'autant que ces petits bâtards interagissent entre eux et modifient par là -même leur spectre de résistance aux antibio,... et les couches les plus profondes de la plaque n'étant pas touchées par la salive qui apporte l'antibiotique (ben oui, l'antibio est capté soit par le sang (injection), soit par l'intestin (voie orale) puis le sang ... et est distribué par le sang et toutes les secrétions du corps: salive, larmes, sueur, urines, fèces... jusqu'au lieu de son action), ne répondent pas au traitement.
Pis les antibio, faut pouvoir les donner, aussi... Facile de chopper un chat 1 à 2 fois par jour pour lui administrer un truc justement là où ça fait mal... Hein, Leonor? Ils adorent ça, nos chats, qu'on les torture comme ça... d'autant que les liquides comme le zodon ou l'antirobe n'ont pas un gout exquis non plus.
Heureusement il existe un antibiotique avec une durée d'action de 10 à 14jours, qui peut être bien utile dans les cas les plus "délicats": le convenia (céphalosporine de 3eme ou 4eme génération)... Normalement on ne peut plus en faire comme ça, les autorités sanitaires l'interdisent, parce qu'il ne faut pas créer de résistance aux bactéries et que d'autres molécules peuvent être utilisées... Ouais, ben qu'ils viennent traiter nos chats, alors! (mais je n'ai rien dit, on est bien d'accord)
Après, bien sûr, DANS TOUS LES CAS, il faut gérer la douleur: c'est là qu'interviennent les AINS comme le métacam ou le méloxicam, les dérivés morphiniques (mais qui ne sortent pas des cabinets et cliniques), et autres "poudres de perlimpimpin" plus ou mois efficace...
Les derniers traitements "à la mode" proposés (c'est tout frais, j'étais en cours la semaine dernière!) sont:
- l'utilisation de l'interféron félin en dilution à faire prendre par voie orale pour limiter LOCALEMENT la réponse immunitaire (l'injection par voie systémique de l'interféron n'est pas utile, c'est par contact avec les muqueuses concernées que ça agit)
- l'utilisation du laser, plus pour l'effet antidouleur anti-inflammatoire, mais sous anesthésie
- la prévention du dépôt de la plaque, avec les produits type vetaquadent, plaque-off, ils faut qu'ils soient estampillés VOHC pour un gage de valeur et de qualité (
http://www.vohc.org/accepted_products.htm ), les autres étant surtout des pis-allers et du mieux que rien... (
Réponse pour Tiich à une question laissée dans un autre topic, sur la valeur/qualité/intérêt du vetaquadent ou autre)
- la thérapie par cellules souches par injection... Qui n'en est qu'à ses balbutiements: j'avais de gros espoirs là -dessus en rentrant du congrès France-Vet en juin dernier, car un labo présentait une étude,mais... à l'heure actuelle, c'est la seule étude, et je ne pense pas qu'on ait assez de recul pour s'en servir posément...
Alors me direz-vous... QU'EST CE QU'ON FAIT ?
A l'heure actuelle, et pour tous les chats qui souffrent le martyre avec leur bouche en stomatite, je suis bien obligé de dire qu'il vaut mieux retirer TOUTES les dents du chat (on peut parfois laisser les canines, si les muqueuses en regard ne sont pas explosées), puisque s'il n'y a plus rien pour que la plaque s'accroche, il n'y aura plus de réaction à la plaque. 80% des chats sont guéris ou très largement améliorés avec encore quelques traces de rougeurs, mais tolérables et au moins, ils remangent sans problème. 10% des chats sont encore fortement embêtés et il faut poursuivre les traitements d'appoint. 10% des chats sont en échec.
Je ne peux pas dire autre chose que sur un chat très réticent aux soins locaux, si la douleur est telle qu'elle en devient anorexigène, il vaut mieux extraire. Mais pas par n'importe quel véto. Tous les vétos ne sont pas équipés en radiologie dentaire, ni en turbine de fraisage des os alvéolaires, et tous n'ont pas la technicité et les compétences pour le faire ... je connais même des centres hospitaliers vétérinaires qui extraient les dents à la dremel!... Je ne prêche aucunement pour ma paroisse, je suis encore un bébé-véto en dentisterie, par contre je connais quelques très bons spécialistes (en MP si vous voulez en fonction de où vous habitez).
Et attention, ne vous méprenez pas... je ne dis pas que les vétos traitants habituels font n'importe quoi en traitant au métacam/antirobe après avoir fait un coup de cortico, et en prévoyant un détartrage. C'est bien souvent la seule alternative disponible pour améliorer immédiatement l'état du chat et lui permettre de remanger vite "en attendant mieux"... On fait bien souvent ce que l'on peut avec ce que l'on a...
Mais je dis aussi que le rôle du véto traitant est de conseiller, dans des cas comme ça, une visite chez un spé, qui vous orientera de façon éclairée vers une/des solutions peut-être plus radicales pour les dents, en vous expliquant au cas par cas (chaque chat est unique) ce qu'il y a de mieux à faire pour VOTRE animal.
Voilà , c'était un peu long, veuillez m'en excuser.
Je ne ferai pas souvent ni beaucoup de commentaires médicaux, mais je dois avouer que je connais le profond désarroi dans lequel Leonor doit se trouver...
Bon week-end à tous, je vais faire un calinou aux CosmobabyCats. Je leur fais un bisou pour vous?
Du coup j'ai pour mission d'éviter le retour trop rapide du tartre !
Du coup on a juste pris des sticks pour les dents (pareil, elle disait 1 par jour, les bâtons sont quasi aussi grands que la moitié du chien, et rien que pour éviter l'effet chien-ballon, je me contenterai d'un demi-bâton par jour)...
, et que mes observations se font plus lors de bâillements. 
: Jasper et 
